jeudi 18 octobre 2007

I. Les anciennes cartes et l'origine du terme Cochinchine

I.
LES ANCIENNES CARTES ET L’ORIGINE DU TERME COCHINCHINE


On interpréta diversement le mot “Cochinchine”. Certains disent que ce nom était annamite et pouvait se traduire par “Madame Chin demande” (Cô Chin Xin), en évoquant la demande de la princesse annamite, épouse de Preah Chey Chettha II, tendant à obtenir de ce dernier l’autorisation de fonder des comptoirs dans le sud du Cambodge, en particulier à Saïgon.

Cette interrogation est erronée. Le “nom de Cochinchine” existait avant la formation de l’empire d'Annam. Ce nom ne désignait pas le Bas-Cambodge. Il désignait un territoire compris entre le Champa du sud, la Chaîne annamitique à l’Ouest et le Tonkin au Nord , approximativement une partie du Tonkin et une partie du centre du Viêtnam (l’Annam).

Certaines cartes anciennes mentionnent “Cochinchine” pour l’ensemble du delta du Tonkin. Les autres plus nombreuses montrent que la “Cochinchine ou Cochin-China” occupait non l’emplacement du Bas-Cambodge, mais une partie de la côte d’Annam (depuis le delta Tonkin jusqu’à Huê, c'est-à-dire jusqu’à la limite de l’ancien Champa).

Ces cartes ont été reproduites dans “Empire Colonial Français” (E.C.F.), ouvrage publié en 1929, sous la Direction de Georges Maspéro. La plupart mentionne le seul nom de “Camboja” dans l'Asie du Sud-Est.

1º - Carte de l’Indochine dressée par un Portugais anonyme vers 1580 (E.C.F. p. 122, fig. 71).

On y trouve:
- “Cochinchina” à l'emplacement du delta du Tokin:
- “Camboia” dans la partie sud de la péninsule indochinoise.

2º - Carte de l’Indochine India Orientalis extraite de l’Atlas Urtelina, en 1593 (Aide-mémoire, documents des ministères des Affaires étrangères du Cambodge sur la minorité cambodgienne) (A.M. Minaf).

3º - Carte de l’India Orientalis extraite de l’Atlas Morentôr, 1628 (A.M. Minaf).

4º - Carte de l'Indochine publiée en 1638 par Jean Jeanson dans “Nieu Wen Atlas Ost Verelt Beschryvinge”. (p.127, fig. 73 -E.C.F.).
- "Cochinchine" occupe tout le delta du Tonkin.

5º - Carte du Père Alexandre de Rhodes, 1650 (A. M. Minaf).

6º - Carte “du Royaume de Siam” publiée en 1714 par le Père Placide (E.C.F. p. 116)

On y trouve:
“Golfe de Cochinchine”, à l’emplacement du golfe du Tonkin actuel;
“Cochinchine Royaume”, toute la côte d’Annam et “Tonquin” au Nord;
“Royaume du Camboia” tout le sud et le “Champa” à l’Est.

7º - Carte de l’Indochine extraite de l'Atlas historique de Guendeville (1713-1719) ( E.C.F.)
- Mêmes indications.

8º - Carte de l’Indochine par Robert, 1717 (E.C.F. p. 116).

9º - Carte de l’Indochine publiée par Durville en 1755 (en anglais) (E.C.F.)

On y trouve :
“King of Kamboja”, la plus grande partie sud de la péninsule indochinoise et largement au nord;
“Ciampa”, une partie à l’Est du Bas-Cambodge;
“Cokinchina”, toute la Chaîne annamitique.

10º - Carte de “l’Inde au-delà du Gange”, dressée pour l’histoire générale des voyageurs, de La Harpe: “Royaume de Camboia”, toute la partie sud de l’Indochine, la “Cochinchine étant au Nord.

11º - “Carte de l’Indochine” publiée en 1850, dans “l’Univers, Japon - Indochine - Ceylan”, Chez Firmin Didot, sous le titre de l’“Empire Birman”, rectifiée à la table de gravure.
- On y trouve pour la première le mot “Indochine” mais le nom “CAMBOJE” occupe toute la partie sud de l’Indochine.
- La Cochinchine s’étant sur la côte d’Annam, du delta du Tonkin à Hué.

Il ressort de ces cartes et d’autres plus nombreuses encore que, jusqu’en 1850, on ne connaît qu’un seul nom, celui de “Camboia” ou “Camboje”, Kampuchea en khmer pour désigner un grand pays de l’Asie du Sud-Est “le Royaume khmer”.

Quant à la “Cochinchine”, elle ne représentait qu’un petit Etat situé entre le Tonkin au Nord, le Champa au sud et la Chaîne annamitique à l’Ouest, c’est-à-dire le long de la côte d’Annam.

Il est donc clair que ce sont les Français qui transposèrent la "Cochinchine" du nord au sud, à l'emplacement du Kampuchea Krom".

La dernière carte de l'Indochine qui mentionnait exactement les noms de "Camboja" et de "Cochinchine" à leur emplacement réel datait de 1850, c'est-à-dire avant l'installation des Français en Indochine, qui ne commença qu'en 1858.

C'est la France qui a créé cette division tripartite de l'empire d'Annam : Le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine. En ajoutant ces trois noms aux deux autres, Cambodge et Laos, la France créa l' "Indochine française".

Elle réduisit le " Camboja " qui comprenait le Cambodge actuel et le Bas-Cambodge, en un petit pays de 181 000 km2, effaçant le "Kampuchea Krom" du sud et créant ainsi de toutes pièces une " autre Cochinchine ", celle de la France. Du même coup, elle supprima le nom de " Cochinchine " du nord-est pour le remplacer par le seul nom d'"Annam".

La France a donc transformé la configuration politique de l'Asie du sud-est qui était habitée en majorité par la race Môn-khmère, les Annamites et autres n'étant que des immigrants.

Henri Aurillac confirma cette opinion, et, en 1870, dès après la prise de l'Annam et de la partie est-cochinchinoise, il écrit dans "Cochinchine, Annamites, Moïs, Cambodgiens" (Bibliothèque nationale, côté 4695):

"L'Empire d'Annam comprend trois grandes divisions naturelles situées entre le 9è et le 22è degré de latitude nord; ce sont: le Cambodge annamite, aujourd'hui Cochinchine française; la Cochinchine proprement dite et le Tonkin".

H. Aurillac mentionne ainsi deux Cochinchines: La "Cochinchine française" qu'il appelle le "Cambodge annamite" et la "Cochinchine" proprement dite". A ces deux parties, il ajoute le Tonkin pour désigner l'empire d'Annam.

Il est donc clair que, pour H. Aurillac, cette "Cochinchine" proprement dite est l'Annam qu'il désigne comme un territoire situé entre le Tonkin au nord et le Bas-Cambodge au sud , sur toute la côte d'Annam. Quant au "Cambodge annamite" qu'il désigne sous le nom de "Cochinchine française" ce n'est autre chose que le "Kampuchea krom ou Bas-Cambodge".

Pourquoi ce "Cambodge annamite" ?

Parce que H. Aurillac comme tous les autres Français, de l'époque, reconnaît que ce "Cambodge annamite" appartient au Royaume khmer.

Aurillac précise même que "la province de Biên-Hoa" cédée, illégalement, à la France par l'empereur Tu-Duc, par le traité du 5 juin 1862, est la "plus pittoresque des provinces du Cambodge annamite".

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