II.
TEMOIGNAGES RECUEILLIS PAR LES ESPAGNOLS ET PORTUGAIS
Les indications contenues dans les cartes citées au premier paragraphe de la présente section correspondent exactement aux récits faits par les Portugais et Espagnols qui sont les premiers voyageurs européens débarqués au Cambodge.
Ce sont les Portugais qui d'après Charles Lemire, dans son "Exposé chronologique..." qui ont emporté des "annales cambodgiennes".
Ces dernières ont été détruites par les Siamois.
En 1553, "les annales cambodgiennes", dit Charles Lemire (Exposé, p.8), avaient été relevées par les Portugais, mais furent brûlées par les Siamois qui avaient tout intérêt à cette destruction." L'histoire des relations khméro-thaïlandaises explique la raison pour laquelle ces documents historiques furent détruits. Les questions de "Battambang", d' "Angkor" et très récemment de "Preah Vihea", à propos de laquelle la Cour Internationale de Justice a rendu justice au Royaume du Cambodge (arrêt du 15 juin 1962) corroborent l'opinion selon laquelle les Thaïlandais ne tiennent pas aux témoignages du passé.
Les premiers Portugais arrivèrent au Cambodge en 1511.
B. Groslier relate l'événement dans "Angkor et le Cambodge au XVIè siècle d'après les sources portugaises et espagnoles", en l'année 1511-1512, les premiers ambassadeurs portugais en rendant compte de leurs missions au roi du Portugal, cite le "Camboja" parmi les pays dont ils venaient de forcer l'accès en prenant Malacca. C'était la première fois qu'on parlait du Cambodge en Europe.
Un écho se trouve dans une lettre du 8 juin 1513 d'Emmanuel au Pape Léon X, publié à Rome (Angkor et le Cambodge au XVIè siècle, page 142). Cette lettre mentionne: "...les envoyés du roi du Cambodge, un des plus puissants d'entre les Mores sur terre et sur mer...".
Le "Suma Orientale" de Tomé Pires fut le premier livre espagnol donnant une notice sur le Cambodge. Groslier (p. 143 et suivantes) en donne la traduction:
"fº 138 rº. Royaume de Camboja.
"En quittant le Syam en route vers la Chyna, le long du bord de la mer se trouve le Royaume de Camboja qui, (en suivant) la même direction touche au Champa. Ledit roi est païen et guerrier. Son pays (s'étend) loin à l'intérieur des terres. Il est en guerre avec ceux de Brema et avec le Syam et parfois avec le Champa et il n'obéit à personne. Le peuple de Camboja est guerrier".
Cette description est très exacte. Elle est conforme aux indications contenues dans les différentes cartes citées. En lisant ce récit objectif de l'Espagnol, on voit que toute la côte (du golfe de Siam au Champa, côté sud de l'Annam) est située dans le territoire khmer. En quittant le Siam, précise l'auteur, en direction vers la Chine et, le long de la côte, on arrive au Cambodge. Et dans la même direction, ajoute-t-il, on arrive au Champa.
Il est bien évident que l'itinéraire suivi par ce voyageur espagnol passe tout le long du territoire khmer, c'est-à-dire à proximité du Kampuchea krom.
Il est donc faux de prétendre que toute cette côte du Kampuchea krom était inhabitée.
Au XVIè siècle l'autorité royale du Cambodge s'exerce au Kampuchea krom dont la population est en majorité khmère. "Le roi n'obéit à personne et le peuple de Camboja est guerrier", écrit le voyageur espagnol.
Un autre voyageur du nom de "Pinto" a touché les côtes orientales de la péninsule indochinoise et les bouches du Mékong en 1540 et 1553. Ce voyageur désigne les bouches du Mékong sous le nom de "barre du Camboja".
D'après Georges Maspéro (Empire Khmer, p.60), le roi khmer "Ponha Ton - 1595" a même récompensé les deux Espagnols "Blaz Ruiz Castilla et Diégo Beloso" qui l'ont aidé à évincer un usurpateur du trône du Cambodge (Reamea Chhoeung Prey). Le roi nomma Blaz Ruiz Castilla gouverneur de la province de Treang (ou Soc Trang) et Diego Beloso, gouverneur de celle de Baphnom.
Plusieurs Portugais se fixent définitivement au Cambodge. Certains ont des descendants qui gardent toujours de père en fils leur nom portugais. Plusieurs catholiques, écrit Charles Lemire, (dans son "Exposé chronologique" p.8), se donnent "comme leurs descendants et ont conservé le nom de leur père, comme Kol de Monteiro, interprète de S.M. le Roi du Cambodge. Les métis de Portugais, ajoute Lamire, avec des femmes cambodgiennes n'ont pas le type laid des métis de Portugais avec des Chinoises."
Les voyageurs portugais ont dessiné des cartes de l'ancien Cambodge
B. Groslier écrit à propos de ces cartes (Planisphère de Diégo Ribeiro, de 1527, conservé à Weimar, et de 1529 conservée au musée de la propagation de la foi de Rome) que "l'un et l'autre de ces documents donnent un tracé schématique des côtes indochinoises avec les seuls noms de Camboja et de Ia Codor (Isla Codor)".
Les cartes les plus anciennes furent tracées par les Espagnols ou les Portugais et on trouve les noms de pays, d'îles ou de villes mentionnées en portugais.
Ainsi dans une carte datée de 1550, qui, d'après B. Groslier, semble provenir de Lopa Homen, contient une riche toponymie. Cette carte est conservée actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris.
Cette toponymie comprend en particulier:
- Pulo Coroz (Poulo Condor)
- Coroll (à la hauteur de Kampot)
- Punta Recartoa (pointe de Camau)
Groslier donne l'explication ci-après:
"La Punta Recartoa, du portugais recarta : pointe à éviter, ou à aborder avec prudence. Ce point peut signifier aussi bien celle de Camau que de cap Saint-Jacques."
"Coroll est presque certainement Koh Trâl : l'île en forme de navette, l'actuelle Phu-Quôc."
Une autre carte portugaise datant de 1580, indique "la ville de Conboa" à l'emplacement de Tay-Ninh. Quant à la pointe de Camau, elle set dite "Pointe de Camboia". C'est de cette pointe de Camboia que les Annamites ont fait "Pointe de Camau".
La carte manuscrite de Godinho de Eredia établie à Malacca en 1613 ("Angkor et Cambodge", annexe) mentionne le "Camboja et son promentorium notium, c'est-à-dire le Cap Saint-Jacques".
Ce dernier, d'après Groslier, était une déformation phonétique supérieure: le pilote de Blaz Ruiz a nommé cette région "Cincas Chagas" : la ville frontière entre le Cambodge et le Champa d'où sort le nom "Jacques" (de Chagas) à cause des cinq montagnes qui s'y trouvent et en souvenir des Cinq Plaies du Christ (1595).
D'après Groslier, les noms des provinces du Kampuchea krom conservés par les auteurs espagnols sont:
Barara ou Bararan (Baria nom actuel et en khmer Pâriyâ).
Pratarpan, en khmer Preah Trapeang (Travinh)
Tran (Treang).
Quant à "San Antonio et Jacques" citant la ville de "Milon": il s'agit de Vinh-Long, mais en khmer "Ponhea Hôr".
De tout ce qui précède, il est clair que le Kampuchea krom, dit Cochinchine française, était bien khmer à l'époque où il fut connu des navigateurs portugais et espagnols.
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