jeudi 18 octobre 2007

Annexes


ANNEXE

Extraits de l'“Archéologie
du Delta du Mékong”
de Louis Malleret



I.
LA COTE DU GOLFE DE SIAM


Phnom Angkol se prolonge au sud par le sommet annexe de Phnom Barang (en souvenir du français Pigneau de Béhaine, évêque d’Adran, préfet apostolique de Pinhealu à la fin du XVIIIè siècle).

“Ha-Tiên est l’ancien Bâm (Pâm) cambodgien, toponyme dont les cantonnais de Mac-Cun ont fait Cang- Khâu et les missionnaires Cangcas, Kancao ou Cancao ” (p. 14).

“Pâm” (on prononce exactement Peam) signifie confluent ou embouchure.

Cette région correspond à “Pontiamas” déformation de Banteay-Meas (la Citadelle d’or) mentionnée par d’anciens voyageurs européens, tel Pierre Poivre, au milieu du XVIIIè siècle.

a) Les collines occidentales

Près de “Nin Thach Dông” il y a “une série de pierres levées, appelées par les Cambodgiens Thma Col (Thmâr Kol) et vénérées comme “linga”.

On trouve des grottes au phnom Totung (Bhnâm-Dadin), près de Tuk-Meas (eau d’or) ou Dik-Mâs, près de Giang-Thanh au phnom Prasat (montagne du monument) et au phnom Khcheang (Montagne de l’escagot) (p.15):

Dans la cité de Peam (Hatiên) “une pagode appelée China Phât Lon, située en contre bas du versant nord de la colline de Binh-Son passe pour contenir un bouddha khmer” assis en “paryankàsana”.

Le wat Bang-Thom (ou Pân Dham), au phum de Thlok dans la région de cap Pày Ut (ou Bâi-Ot) renferme des vestiges remarquables (p.16).

La " Nui No-So" située dans le massif de Binh-Tri au Cap de la Table.

La grotte aux sapèques" au nord de Peam, en souvenir des séjours qu’y fit le prince fugitif Nguyên Anh.

Une autre grotte au lieu dit “Preah Chau Keo” (le Bouddha de verre), contient des Bouddhas khmers du XIVe siècle (appelée par les Viêtnamiens Hai-Son Tu).

Dans le massif de Binh-Tri, se trouve une statue féminine de la période angkorienne.

b) Les collines de Hon Dât

La " Nui Hon-Dât" est appelée Phnom Dei (phnom Ti) par les Cambodgiens (Note 2 p. 19).

Sur le versant nord-ouest de la “Nui Hon-Soc”, existe un lieu dit Khnong Tuol (intérieur de la colline) à proximité d’un abri sous roche dit “Neak Ta Samrèng" (le génie lépreux).

Sur les dernières pentes nord-est, dans un hameau cambodgien s’élève le “Vat-Crâk ” ou Watt Chrâk (le wat d’entrée).

c) Le centre urbain de Rach-Gia, l’ancien Krâmuon-Sâ (Kramun-Sa: le marché de la Cire Blanche, des Cambodgiens).

Le terme Kramuon-Sâ évoque l’ensemble de l’arrière pays autrefois couvert de forêts où la principale ressource des habitants était la cueillette du miel...(p.20).

Le wat Oudong Meanchey (connu des Viêtnamiens sous le nom de Chùa Phât Lon et situé rue du Cambodge, sur l’ancienne chaussée de Rach-Gia vers Hatiên), “passait pour contenir des centaines de Bouddha en or ”. “On reconnaissait une intéressante statuette khmère de l’art angkorien à cinq têtes et huit bras que les moines du lieu ont nommé ” Brah Naray “(Vishnu)... ”

Un Vishnu en grès apporté, en 1941, dans la “pagode du Bouddha émergé ” (Chùa Phât Nôi), du site de Takèv.

d) La côte occidentale de Ca-Mau ou de Tuk-Khmau

Les cambodgiens l’ont appelé Tuk Khmau, parce que "l’eau de la pointe située entre Stung Bây Hap et Nam-Cân est noire”. On y trouve les noms des rivières en cambodgien mais déformés par les Annamites. L’une d’elles s’appelle le stung “Duong Kêv ”.

e) L’île de Phu-Quôc

L’île de Phu-Quôc, connue des Cambodgiens sous le nom de Koh Sral (L’île des filaos) ou de Koh Trâl (l’île en fuseau) prolonge en mer la structure tabulaire du Massif de l’Éléphant et se relie au continent par deux îlots intermédiaires, l’île à l’Eau ou Koh Kong Suôr et l’île du Milieu ou Koh Sêh (littéralement, l’île du cheval)... Long de 48 km et large de 25 km au nord, son étendue dépasse celle de la Martinique.

Les traditions recueillies se rapportent à celles d’un peuplement cambodgien. Le prince fugitif Nguyên Anh y séjourna plusieurs fois entre 1782 et 1786.

“On a mentionné cependant des tessons de poteries de fabrication cambodgienne jonchant le sol dans des vallons de la région de Cua-Can sur la côte occidentale”.

“Selon un renseignement recueilli en 1942, au cap de la Table et confirmé depuis, à Hatiên, une statuette en bronze qui, selon la description qui nous en a été faite, représenterait Viçvakarman, aurait été trouvée à Hai-Bôn dans l’île du Milieu. Il est possible que des traces d’une ancienne occupation khmère puissent subsister dans la grande île, comme dans ses annexes, et il ne serait pas sans intérêt d’y entreprendre des reconnaissances approfondies. ”

f) Les archipels du golfe

“En deçà de la pointe de Kep et de l’île du Pic, surgissent en mer, au large de Hatien, les îlots de l’archipel des Pirates au nombre d’une quinzaine ”.

Dans l'île de Teksu (Koh Angdoeuk ou l’île de la Tortue, du malais, Krah d’où Tekere), il y a des débris de poterie d’origine cambodgienne qui, d’après le docteur Corre (1880), ressemblent aux poteries de Kompong-Chhnang.

g) L’arrière-pays de Hon-Chông est compris entre la côte du golfe du Siam jusqu’à Hon-Dât, le Sông Giang Thanh, le canal de Vinh-Tê et le Massif des Sept Montagnes.

g) Le canal de Vinh-Tê et l’ancien Meat-Chrouk

Le canal de Vinh-Tê n’est qu’une rectification de l’ancien canal creusé depuis de long date par les Khmers.

À la hauteur de “Prabat Chean Chum ”, l’ancien tracé se dirige vers le Meat Chrouk (Màt Jruk) des Cambodgiens, (Kompong Krasang) au niveau de la rivière de Takéo, le nouveau tracé creusé sous le règne de Ang Chan et de Gia-Long se dirige tout droit vers la nouvelle ville de Châu-Dôc.

“Leur initiative (p. 28) s’est appliquée principalement à modifier en partie le tracé, en ouvrant un nouveau tronçon entre la nouvelle citadelle de Châu-Dôc et le bassin de Ca-Am ou de Cam”.

L’Archéologie du Delta du Mékong, cite Gérini, qui se réfère lui-même à Trinh Hoai Duc (Annales siamoises): “Le poste cambodgien du Phu de Mat Luât, écrit cet auteur, est sur la rive orientale de la rivière de Châu-Dôc”.

“On reconnaît aisément ici l’ancien nom de Màt Jruk (Mat Cruk) le “groin de porc ”, expression que les Cambodgiens emploient encore pour désigner la région de Châu-Dôc, et qui se rapporte en fait à une localité située au nord-ouest de la ville actuelle... ”

“Après un parcours de 25 lis sur le bord ouest de la rivière se trouve l'arroyo de Phung Can-Tan, et après une distance de 67 lis, dans un ancien canal cambodgien autrefois creusé en ce lieu, on parvient au bassin de Ca-Am”.

Ce bassin de Ca-Am correspond à la dépression marécageuse située au nord et à l’est de Phnom Bayan (Bhnam Payan) soit à 27 km (68 lis) de Meat Chrouk (p. 28).

Les annales d’Ayuthià rapportent, qu’en 1550,
“la flotte siamoise parvint à Lovêk en passant par l’embouchure de Phuttaimàc (pandây-Màs), et le canal de Cun Krajum (Chong Krachum). “Pandây Màs correspond à Bàm (Pàm), l’embouchure, ancien nom de Hà-Tiên”, la rivière de Cun Krajum rappelle le nom du village de Brah-Pàd Jàmn-Jum (Prabat-Chean-Chum, ou Càn Cum) qui fut pendant longtemps, la résidence des gouverneurs de la province cambodgienne de Drâmn (Trang)”.

Le capitaine Hamilton écrit en 1720:
“L’autre port du Cambodge est Ponteamas qui fut une place d’un assez important commerce pendant longtemps... La ville du Cambodge est établie sur les bords de la grande rivière, à environ cinquante ou soixante lieus de Ponteamas par terre, ou par eau pendant la mousson du sud-ouest ”.
“Cette voie d’eau, précise Malleret, est appelée Khlon dans les annales d’Ayuthià, ce qui peut s’entendre aussi bien d’un canal que d’une communication naturelle. Elle est appelée par les Cambodgiens, Cumnik-Prek-Ten ” (p. 30).

L'existence de l ’ancien canal de “Vinh Tê (Cumnik Tên) ” est encore confirmée dans une lettre du Père Levavasseur datée de 1770, où le missionnaire raconte son voyage au Cambodge par le Bassac: “le 3 mai 1768, nous arrivâmes à un canal qui conduit du côté de Cancao. Cet endroit est appelé par les Cambodgiens Mat-che-ron”. Il faut entendre que Mat-che-ron ou Mat-Jruk (Mât-Chruk) désigne le point d’origine du canal sur le Bassac, Cancao étant comme on l’a vu une transcription libre de l’ancien nom chinois de Ha-Tiên (p. 30).

Quant à Chau-Dôc proprement dit C’est une création récente des Viêtnamiens, car l’ancienne ville du Cambodge est à Meat Chrouk, située à une dizaine de kilomètres de la nouvelle citadelle, au lieu dit “Kompong Krasang ”.

“L’ancienne voie d’eau débouchait en aval de la bouche de la rivière de Chau-Dôc qui a été canalisée à partir de ce point” à l’époque de l’ancienne ville d’Angar Puri (Angkor Borei).

Les sites préangkoriens abondent dans cette région. Les Khmers y avaient ouvert des canaux dont l’un, révélé par l’exploration aérienne, réunit “Angkor Borei” à la ville d’Oèkêv (ou d’Oc-Eo) et se prolonge au delà, très loin dans le sud-est.

“On voit donc que les Khmers et leurs prédécesseurs dans le Transbassac avaient eu à résoudre des problèmes d'aménagement hydraulique dont l'ancien canal de Vinh Tê ne nous livre qu'un aspect.”

Sur le bord du canal de Vinh-Tê on trouve trois inscriptions sanskrites apportées de Banteay “en pays cambodgien”.


II.
LE PHNOM SVAM
(ou Nui Sam)

Situé au sud-ouest de Chaû-Dôc, il est connu depuis longtemps comme un point d’ancienne occupation khmère.

“Aymônier y signalait une population alors en majorité cambodgienne dont les ancêtres auraient édifié en cet endroit quelques temples”.

Lunet de Lajonquière mentionne la découverte à Phnom Svàm de deux plats en argent, trouvés à Neang Sék, femme de Thom, Cambodgien du village de Tu-tê (p. 35).

Les inscriptions portées sur ces deux plats donnent la date de 1088 mahaçaka (1 166 A.D.) et le nom d’un roi “Tribhuvanà Dityarman”.

Malleret a découvert à Phnom Svàm de nombreux objets archéologiques khmers.

La tradition khmère y subsiste toujours.

“On retrouve, au Nui Sam, un curieux phénomène d’adoption d’anciennes traditions khmères par les Viêtnamiens dont nous avons constaté des exemples fort significatifs en d'autres régions”.
“Le grand linga khmer du lieu (est) l’objet d’un culte particuliers des jeunes filles et femmes annamites et chinoises” (p. 38-39).

Au “Cirque des sept puits”, ou Cirque des pagodes, Malleret a découvert de nombreux “linga, briques, statuettes, des grottes, des pagodes... d’origine khmère”.


III.
LE MASSIF DES SEPT MONTAGNES


Les chaînons de ces montagnes entretiennent des rapports, par leur structure géologique, avec ceux du massif de Tonleap (Tam-Lâp) qui englobe le Phnom Bayân (Bhnâm Payân) et le Phnom Den, en territoire cambodgien.

Parmi ces sept montagnes, il y a la “masse du Tap-Campâ (Dop-Champa et du Bhnôm Babâl (Phnom-Popâl)) au centre, enfin le groupe du Bhnam Cado (Phnom Khtô) au sud.

a) L. Malleret a découvert dans les hauteurs de Tinh-Bien et Nha-Bàn:

les restes d’un monument à Nui Két;
une stèle préangkorienne à tenons, en grès très ruiné portant la fin de cinq lignes en vieux khmer, attribuée au VIIè siècle (au musée de Saïgon);
neuf sculptures très mutilées;
une statuette bouddhique en grès, enduite de dorure portant au dos une inscription en khmer moderne;
au nord de Triton (srok Svay Tong) dans le wat Thnot deux lions khmers en grès;
un ancien emplacement d'édifice près de “Neak Ta Chuk” et de “O Trapeang Trav” (hameau de Kompong Chuk, village de Vinh-Trung) et trois pièces appartenant à l’art khmer;
le Neak Ta Tuol Chinuk avec quatre sculptures.

b) les collines centrales

Le phnom Ak Yum (la montagne de la cigogne qui pleure) ou Bhnâm Yam et le phnom Sdach Ao (Sdach Ao, du Bhnam Stec Ao), c’est-à-dire “Montagne du roi père”).

Le point culminant des Sept Montagnes est le Bhnam Babâl (phnom Popâl), sans doute ce mot vient du khmer “Bram Pi” qui veut dire sept.

On relève sur les pentes du chaînon granitique de Phnom Thngok, trois points archéologiques;

Au “Neak Tà Phnom Thngok” du village khmer de Banteay Dèk (citadelle de fer) on trouve quatre sculptures en grès conservées actuellement au musée de Saïgon.

Le “Vatt Svày Tà Som” (ou Pagode des manguiers de Ta Som) renferme des dalles et des sculptures en grès.

Au “Vatt Kôk Model”, il y a des débris de briques d’un monastère et d’un chêt dey.

Le "cirque de Pandây Tèk", (les Cambodgiens l’appellent le “Cirque de Banteay Dèk”).

On y trouve:

un bassin appelé par les Khmer krom “Trapeang Thnal”
(Trabâmn Thnal), Trapeang: petit étang, thnal: le chemin;

une statuette de divinité féminine appartenant à l’art pré-
angkorien à “Vihar Dhâm ou Vihea Thom (le grand temple)”;

diverses sculptures rassemblées au pied d’un arbre, au lieu
dit “Thma Damruot” (les pierres entassées);

un bouddha en bois au lieu dit “Thma Thong Yu”.

Bhnam Krasâmn (phnom Krasâm): “La montagne de l’arbre krâsang”.

On y trouve:

au lieu dit “Nak Ta Con Phum” (Neak Ta Chean Phum: le
génie met son pied sur village) un canal de somasûtra en granit (art khmer primitif);

en face de Wat Tuk Phos, au lieu dit “Tuol Chet Dey” des
débris d’un ancien édifice;

un temple dit “wat Ci Ka En” renferme des dalles provenant
d’un antique monument;

au lieu dit “Nak Ta Phi Pheak Kanès” les restes d’un
anciens prâsad (prasat);

un “Tuol Preak Chet Dey”

“Ci Komnop” emplacement d'édifice attesté par la tradition.

Le Sillon oriental de Bhnam Yàm (Phnom Ak Yom).

On y relève :

le phnom Thlok;

la “O Tuk Râm” (rivière de l’eau qui danse, rappel peut-
être d’une légende khmère "Tuk Râm Phka Râm”: l’eau qui danse et la fleur qui danse).

Le cirque de Luong Phi

avec le “Trapân Ven” (Trapeang Veng: long bassin);

une statuette en bronze au Wat Tabun Loe (Thbaung Loeu = du sud);

le wat “Koh Romiet”.

c) Massif du Phnom Khtô (Au sud de l’Agglomération de Triton)

“Triton” est appelé par les Khmers “Svay Tong”, il s’y trouve une pagode dite “Wat Sway Tông” où se trouve une statue bouddhique en grès dur (musée de Saïgon).

Wat Prey Vèn (Prey Veng, la forêt longue) renfermant
trois autres sculptures;

cours d’eau “Svay Cek” (O Svay Chek) Neak Ta Khol;
Neak Ta phnom Sdach Kong (Neak Tà de la montagne où
le roi se repose);

Phnom Andoeuk (montagne de la Tortue).

“La région des Sept Montagnes touche à l’ancien canal qui, de Hàtiên, rejoignait la rivière de Châudôc, antique voie d’invasion pour les troupes siamoises. Les traditions locales ont gardé le souvenir des violences de l’envahisseur, de villages entiers de femmes et enfants en captivité, des refuges que l’on cherchait dans des grottes de phnom Khtô ou de Bhnam Babâl.

Trois inscriptions découvertes “s’échelonnent entre le VIè et le VIIIè siècle çaka” et deux têtes bouddhiques peuvent être rapportées à une période assez basse indiquant ainsi une continuité assez remarquable dans l'habitat humain depuis le VIè siècle au plus tard sur tout le pourtour du massif.


IV.
LE PHNOM BA-THE ET SES SATELLITES


Il faut remarquer tout d’abord la fréquence des mots “Ba” et “Mé” qui sont typiquement khmers. Au Cambodge, on désigne les ancêtres ou les parents par les mots “Mé Ba”, Mé pour sexe féminin et Ba pour sexe masculin (François Martini, “De la signification de Ba et Mé affixés aux noms de monuments khmers” in B.E.F.E.O., XLIV, i- 1947-1950, Paris 1951 p. 201-209).

1/. Vestiges antérieurement connus au Bathê

En 1868 un soldat de l’infanterie de marine, Duplessis, égaré après la révolte de Rach-Gia, fut recueilli par un sous-chef de canton cambodgien Mai-Nghet. A cette époque, le maire de Vong-Thê était un Cambodgien nommé “Mai Bophar” (Paulin Vial, “Les premières années de la Cochinchine, Colonie française” Paris 1874, II p. 235-236).

Le “Phnom Bathê” fut visité pour la première fois par le docteur A. Corre., médecin de la marine. La relation du voyage de Corre se trouve consignée dans un rapport du 19 décembre 1879 publié dans les “Excursions et Reconnaissances”.

“L’attention de ce précurseur avait été attirée sur le région par un passage de la traduction d’Aubaret du "Gia-dinh thung-chi", œuvre de Trinh-hoai-Duc, mandarin de Minh-Mang, où il est dit que “des Cambodgiens habitent la montagne de Bathê soit dans des grottes ou cavernes qu'elle forme à sa base soit sur la montagne elle-même" (“Archéologie...” p. 76).

On constate ainsi que la présence des Cambodgiens en Cochinchine est attestée par les auteurs viêtnamiens eux-mêmes.

Malleret ajoute: “En réalité, la population de l'endroit alors en
majorité cambodgienne vivait en 1879 dans des cases témoignant d'une certaine aisance"

A une époque très récente, les Cambodgiens vivaient donc en majorité dans plusieurs parties de la Cochinchine. C’est pendant l’occupation française que le nombre des viêtnamiens augmenta, comme l’a justement noté Malleret (Note 4, “Archéologie... p. 76):
“Depuis, les Viêtnamiens ont acquis la prépondérance. En 1943, on comptait à Vong-thê 5.128 Viêtnamiens contre 1.864 Cambodgiens, 91 Chinois et 94 Minh-Huong”.

Le docteur Corre mentionne des grottes “situées à diverses
hauteurs qui ont pu être habitées par l'homme... et sept objets trouvés au pied de la montagne”.

Deux inscriptions sanscrites y ont été relevées; elles proviennent d’un monument khmer du Xè siècle.

Il y existe un ancien canal khmer appelé “Rach Pha Trach”, un hameau cambodgien nommé “Bhum Prah Dhat”, appelé de nos jours par les Viêtnamiens, “Vong-Dông”, le hameau de l’Est.

Ce hameau dépend du village de Vong-Thê habité presque exclusivement par des Cambodgiens.

“Le village de Vong-thê, canton de Dinh-Phu, province Long Xuyên, comprend quatre hameaux: Vong-Dông, le hameau de l’Est, phum Prah Dhat des Cambodgiens; Vong-Tây, le hameau de l’Ouest, Phum Ur Dham des Cambodgiens (hameau du Grand Canal); Trung-Son, le hameau du centre qui correspond à l’agglomération principale actuelle; enfin Tan-hiêp”.

Les archéologues ont cherché la toponymie exacte de Bathê. Après avoir étudié l’ancien l’emplacement du canal cambodgien en ce lieu, Malleret en déduit que dans le nom viêtnamien de Bathê “il faudrait reconnaître la déformation phonétique de ce toponyme cambodgien, Prah Dhat”.

Il cite, dans ses notes (2, p. 79), V. Vuvernoy (Monographie de la province de Long-xuyên, Hanoi 1924 p. 4), “le nom de
Bathê serait la prononciation dénaturée du cambodgien Pras Thê (le Bouddha Thê), Malleret précise que cela “ne veut proprement rien dire” et ajoute que “d’une façon générale, il n’y a rien à tirer en Cochinchine des fausses étymologies dont les Viêtnamiens sont coutumiers”.
“Un grand nombre de toponymes sont soit la traduction pure et simple d’un ancien nom Cambodgien, soit une altération phonétique.”

Au Bathê, on relève quatre Wats:

Wat Prah Dhat;
Wat Krapau Brik;
Wat Saudi Sukham;
Wat Kambul Bhnam;

Les archéologues y ont trouvé une grande statue de Vishnu et quelques linteaux.

2/. Nouveaux vestiges reconnus au Bathê et dans ses
environs immédiats

Malleret a relevé 14 points d’occupation ancienne auparavant inconnus sur le pourtour du massif:

Neak Ta Thmâ Kol (le génie de la borne en pierre);
Dwl Sali (Tuol Sali) ou Tuol Neak Ta Neang Khmau;
Dwl Kandap Veng et Srê Trabamn, Srê Trapeang (le
bassin des rizières);
Dwl Ta Chut;
Dwl Antun Ta Dan;
Un site préangkorien à l’emplacement de M. Lieu-Phanh;
Dwl Neak Ta Buon Mukh et 7 sculptures en grès;
Dwl Kâmnap (terre du trésor enfoui );
Dwl Amnên;
Dwl Da ou Kô Nên où fut trouvé un anneau d’or;
Un ancien escalier d’un monument khmer;
Un torse de Bouddha assis, en grès;
Dwl Doem Ampil, tuol Doem Tonleap et quelques
sculptures;
Une chapelle en brique;
Une dalle en granite et deux bassins;
Un abri de Ong-Ta et une tête de Bouddha en bronze;
Tuol Tra-On;
Un linteau préangkorien inachevé;
(Dwl, doit se prononcé Tuol).

Il ressort, selon Malleret, de ces vestiges, que la montagne fut habitée depuis une haute époque. Les 18 sites recensés. dont 14 nouveaux, indiquent une forte densité de l’habitat humain sur le pourtour de la montagne, dans la période préangkorienne.

“Il semble, qu’après la destruction d’Oc-Eo, les habitants de la région aient recherché pour s’y établir les premières pentes de la montagne qui se trouvaient à l’abri des inondations. Mais le Bathê semble avoir été aussi longtemps un des “ hauts lieux ” du Cambodge”.


V.
LA PLAINE D’OC-EO ET SES ANNEXES


“Oc-Ev” vient de la déformation phonétique du mot khmer “O Kèv”, O: rivière, Kèv: verre, cristal ou tout ce qui est comparable à la blancheur et à la pureté du cristal.

“L’expression viêtnamisée Oc-èv est l’adaptation d’un toponyme cambodgien local dans lequel M. Pierre Bitard propose de reconnaître l’orthographe Ur Kêv, qui donne à peu près O Kèv dans sa prononciation, c’est-à-dire la “rivière précieuse”, la “rivière du joyau” ou la “rivière du cristal”. En réalité, Ur désignerait plutôt une rivière, un canal, un chenal artificiel, creusé à l’embouchure d’une eau profonde, celle d’un fleuve ou d’une mer. Cette explication trouve un argument important dans l’existence d’un grand canal d’axe traversant la ville d'Oc-èv et reliant celle-ci à la mer. A ce chenal artificiel, pouvaient avoir accès des navires, et la toponymie cambodgienne semble avoir maintenu avec fidélité le souvenir indirect d’un ancien port”.

L'archéologue a d’ailleurs ajouté que l’orthographe Oc-èo donnée par les habitants était fautive. Mais comme elle a été vulgarisée par divers écrits, il l’a maintenue dans ses publications.

1/- L’emplacement de la plaine d’Oc-èo

C’est la vaste plaine qui s’étend à l’est des Sept Montagnes, entre le Bassac et le Golfe du Siam, “le Bathê en marque le
centre et la plupart des anciens canaux que relève l’observation aérienne convergent vers la ville enfouie d’Oc-èo ou se répartissent à l’est et au sud de Nui Sàm”.

Les sites d’Oc-Eo et de Ta Kêv s'étaient réunis entre eux par un canal.

2/ - La ville d’Oc-éo et l’ancien réseau hydraulique de la
plaine d’Oc-èo

De l’examen de l'ancien réseau hydraulique du Trans-bassac (Plan XII, Planches de l’Archéologie du Delta du Mékong).

Il ressort que la ville d’Oc-èo n’était pas isolée du reste du territoire du Cambodge. Un long ancien canal partant d’Angkor Borei, traversant la rivière de TaKêv, le canal de Vinh-Tê, côtoyait le massif des Sept Montagnes, coupait le canal de Mac-Can-Dunc, au canal de Rach-soi. Ainsi la ville d’Oc-èo jouissait d’une position très favorable aux communications et au commerce.

“Cette position ouvrait à la ville d’Oc-èo des horizons maritimes et il n’est pas besoins d’en souligner l’importance... Elle assurait à la cité des contacts étrangers en lui assignant une vocation commerciale” (Archéologie ... ”p. 200).

“Dès la fin de 1942, des reconnaissances de l'ensemble de la région m’avaient convaincu (p. 101) que l’on était présence d’une ville enfouie qui s’étendait sur une surface immense. La restitution des photographies aériennes à une grande échelle par le service géographique permit de la délimiter au sol et d’en évaluer la superficie. C’est un vaste rectangle de 1500 mètres sur 3000 mètres qui représente, y compris l’enceinte, 450 hectares soit la moitié d'Angkor Thom ”.

On peut, par ailleurs, comparer le tracé de la ville d’Oc-èo à celui d’Angkor Thom. Car dans l’une comme dans l’autre, le système d’irrigation est un peu semblable, la conception d’une ville au tracé régulier comportant un centre et une enceinte carrée, se trouve ici et là.

“Cette conception s'est affirmée à Angkor Thom où la première capitale ayant pour centre le Phnom Bakhèng ainsi que la ville de Jayavarman VII, comportant l’implantation d’une enceinte carrée”. On voit par ailleurs la prépondérance, “de canevas géométriques, dans la distributions des temples, des nappes d’eau et des enceintes”. Des considérations d’orientation ont tenu un rôle important dans la position des centres habités. Ces tendances ont des antécédents lointains dans la géométrie d’Oc-èo et répondent à une ancienne tradition.”

Quant à l’ancien réseau hydraulique, c’est Pierre Paris qui signala dès 1931, l’existence “d’un important canal presque entièrement colmaté qui se dirigeait d’Angar Puri (Angkor Borei) vers le Bathê... ”. En 1946, Malleret retrouva ce canal “se prolongeant très loin dans le sud-est après avoir côtoyé un des angles du périmètre urbain d’Oc-èo”. En dehors des cinq canaux numérotés par Pierre Paris, Malleret en a décerné vingt-trois autres parmi lesquels trois artères, ouvertes pendant la période d’occupation étrangère, ont emprunté d’anciennes voies (p. 118), ce sont: Le Mac-Cân-Dung, le canal de Vinh-tê et celui de Long-Xuyên à Rach-Gia.

Le grand canal d’axe d’Oc-èo émet “à partir du tertre dit Go Oc-èo qui marque le centre de la ville, une ramification” que Malleret reconnut au sol sous le nom de Lung-Lang ou Phluv-Krapi ( le chemin des buffles) (p. 120).

C’est cet emplacement “Go Oc-èo” que les Cambodgiens appellent “Dwl Ur Kêv” (le point culminant de la ville d’Ur Kêv ou d’O Kêv que l’usage prétend être Oc-èo) (p. 206).

3/ Le Lung Gieng Da et le site de Ta Kêv

La topographie d’Oc-èo montre que la ville était parcourue dans son grand axe par une dépression rectiligne orientée du nord-est au sud-ouest, qui se prolongeait fort loin en direction du Golfe de Siam. C’est “le Lung-Gieng-da ou Antun Bhtak Kay qui s'interrompt à 15 Kilomètres du rivage actuel, au lieu dit Ta Kêv”.

On y trouve de nombreux objets archéologiques ( p. 103 à 106).


VI.
LA PLAINE DU XA NO

C’est la région située au nord du “Sông Cai-bé” et à l’est du canal du Rach-Soi au Bassac, jusqu’aux environs de Cantho et de Phung-hiêp. C’est le cœur du Transbassac englobant “les anciennes cuvettes” que les Cambodgiens appellent “Veal Thnot” (la plaine des palmiers) d’où sort probablement Xa-No.

De nombreux sites y ont été relevés.

“Quelques lambeaux de l’ancien peuplement cambodgien subsistent dans le nord, autour d’O-môn ou de Thôt-nôt “(Thnot) et dans le sud, aux environs de Giong-rieng, parmi un paysage de jardins”.


VII.
LES GIONG DE SOC-TRANG ET LES RIVAGES DE LA MER DE CHINE ET LES RIVAGES DE LA MER DE CHINE


1/. L’ancien port de Bassac

La légende de Srok Bassac rapportée par le vénérable Thach Pang remonte avant l'ère chrétienne.

Ce ne fut cependant que sous le règne de Preah Ang Chan 1er que le Srok Bassac fut réorganisé. A l’origine, ce srok englobait toutes ces régions désignées par Malleret sous l’appellation de “Transbassac”, “tout le Transbassac a porté le nom de Srok Treang pour avoir fait partie de la province cambodgienne de Treang". Pour lui, le Soc-trang n’est autre chose que Srok Khleang des Cambodgiens.
“Le territoire de Sôc-trang est l'ancien Sruk Ghlamn (Srok Khlan), le “pays des entrepôts”, c’est-à-dire des “greniers à paddy”, terme que les Cambodgiens appliquent encore à une large partie du Transbassac et qui s’étend d’une contrée prospère ayant été colonisée de longue date. C’est l’arrière-pays de l’ancien de port Pasac (Bassac = viêtnamien Ba-Thac) que mentionnent les chroniques cambodgiennes... A la fin du XVIIIè siècle, cette ville était encore, selon l’expression du père Levavasseur, le “port de mer du Cambodge” où abordaient les missionnaires... ” (p. 139).

D’après le vénérable Thach Pang toutes ces régions de Transbassac furent divisées en plusieurs provinces, sous le règne de Ponhea Tat. Celui-ci fit construire par ses soldats un grenier à riz destiné au ravitaillement des habitants de Srok-Treang en cas de sécheresse ou de famine, de là vient le second mot “Khleang” (grenier).

“L’Archéologie du delta du Mékong” cite des extraits du journal de M. Levavasseur, missionnaire apostolique. (Journal de M. Levavasseur, dans Adrien Launay, Histoire de la mission de Cochinchine. Documents historiques, II. 1728-1771, Paris 1924, pages 388-389). Ce journal rapporte que le 16 avril 1768 “le gouvernement du port est Cambodgien”.

“Cette ville peut avoir une demi-lieue de long sur cent pas de large... Bassac est ouverte de tous côtés, ce qui me fait croire que la forêt n ’a point de tigres ni d'éléphants, apparemment que ses terres sont extrêmement basses, sujettes aux inondations et marécageuses”. (“Archéologie... ” p. 139-140).

Après avoir relaté qu’il a vu des habitants chinois, ce missionnaire précise bien que “le gouvernement est cambodgien".

D’après Malleret, Sok-Trang ou Srok Treang, a été de longue date une agglomération administrative, distincte de Bassac, tandis que “Khleang” était la résidence du gouverneur de Bassac.

2/. L’importance du port de Bassac

Si l’on croit Doudard de Lagrée, “Bassac aurait été un port
d’une immense importance, connu des Perses, des Egyptiens, des Arabes, des Phéniciens, où fréquentaient aussi les Chinois, Cochinchinois, Japonais, Malais, Pegouans, Indiens et plus tard, les Gênois, les Vénitiens, les Portugais et les Hollandais”. (“Archéologie... p. 142).

Cependant, “si un port de ces régions a pu être ainsi en relation avec le monde occidental, ce n’est sûrement pas Bassac”. Ce serait, peut-être, “Kamban Dham” (Kompong-Thom) aujourd’hui entièrement dans les terres". Dans la carte archéologique (PL X) ce port de “Kampong Thom” est situé au nord de la ville de Soc-Trang, entre le fleuve du Bassac et Tan-Long.

Il est à noter que la Bassac était bien accessible à la fois directement par la mer et par le fleuve, c’est-à-dire par “Bàm-Mê-Càn et Bâm-Mê-Sên” et que “sa position peut être située à Bài-xau”. Ces deux embouchures “Bàm -Mê-Càn et Bàm-Mê-Sên” (Péam Mê Chan et Péam Mê Sên) ( N. 2 “Archéologie ... ” p. 142 portent, selon la tradition, les noms des deux épouses d’un roi du Cambodge qui les fit mettre à mort en ces deux endroits” (Son Diêp, Légendes du pays du Bassac, Cochinchine, dans “Premier congrès international des Études d’Extrême-Orient, Hanoï, 1903, p. 81-82). Quant à Bài-Xàu (Riz mal cuit), ce même son Diêp rapporte la légende suivante qui explique ce nom:
“C’est l’histoire d’un caïman qui, faisant pénitence sous un tertre, fut dérangé dans sa méditation par la chaleur d’un foyer que les bûcherons allumèrent en toute innocence sur la butte, pour y apprêter leur repas. L’animal culbuta la marmite avant que le riz ne fut cuit, et c’est en commémoration de ce prodige que l’endroit fut choisi pour y ériger la statue du génie du Bassac” (notes 2 p. 142).

3/ Vestiges khmers dans Srok Khleang

Il y a dans Soc-Trang 56 temples cambodgiens. “Nous avons
fait, écrit Malleret, porter une enquête serrée sur les 56 pagodes cambodgiennes de la province, avec le concours de bonzes réunis à l’occasion des stages pédagogiques de Sôc-Trang. “Les vestiges, sont presque tous réunis sur les giông”.

a) Le giông de Maha Dab

La note 2 (p. 143), précise que l’enquête en ce lieu fut conduite avec la collaboration de M. Lâm Sisomouth, fils de M. Lâm Em[1], ancien délégué administratif du chef-lieu de la province de Sôc-Trang.

Cette enquête permit de découvrir:

le wat Maha Dab avec son enceinte, un abri de Neak Ta et sept sculptures;

au lieu-dit Neak Ta “Ta Makh”, une statuette féminine confiée à la garde de la “Maison des associations cambodgiennes de Sôc-Trang”.

b) Le giông de Sôc-Trang

“Cette longue flèche de sable sur laquelle est établie l’agglomération actuelle de Sôc-trang ou Sruk Khlàm (Srok-Khlàn) et que parcourt la route de Dai-ngai à Bac-lieu, s’est révélée riche en vestiges archéologiques”:

deux sculptures près de la maison Huynh-Loi;

trois sculptures dans un abri de Neak Ta au nord-est de wat Sankê; à l’intérieur du temple on trouva “une statuette de divinité féminine en grès qui est une représentation de Laksmi, mais se trouve vénérée sous le nom de Nan Khmau, la Dame Noire”;

au lieu-dit Neak Ta “Joen Palàn” (Choeung Palang: génie foncier du piédestal), un piédestal en trois morceaux, un linge de grès;

au wat Ghlàmn, important monastère du chef-lieu (Wat Khleang), situées au nord du centre urbain de Sôc-Trang, quatre sculptures réunies dans un pagodon;

deux idoles khmères dans un temple dit “Chùa Ong Bôn”;

au wat “Brêk Antoek”, “un vaste piriforme en terre cuite à émail brun, bon exemplaire de la céramique ancienne du Cambodge, qui est entré au Musée de Saïgon”.

c) Le Giông de Joen Pau

Situé à l’ouest du centre urbain de Sôc-Trang, le “Giông de Joen Pau (Choeung Pô)” a sa partie nord “connue des habitants sous le nom de Joen Palan” (Choeung Palang).

On y trouva :

Au Neak Ta Choeung Pô ou Choeung Palang, une statue masculine en grès sans tête ni bras et quelques sculptures demeurées sur le tertre ;

au carrefour appelé “Kbal Thnal” (tête du chemin) sous un ancien abri de Neak Ta, “une pesani”;

au Neak Ta “Dan Ek”, quatre sculptures.

d) Le giông de Phu-nô

“Cette flèche de sable est parcourue par la route de Sôc-trang à Kê-Sach (Khsach)”. C’est dans cette région “que la tradition site un ancien port appelé Kamban Dham (Kompong Thom)”.

Quatre points archéologiques y sont relevés:

au Wat “Brah Pwn Mukh”[2] (Wat Preah Buon Mukh) le wat du Bouddha à quatre faces, qui fut “antérieurement classé à l’inventaire des monuments khmers sous le nº 907 bis”, se trouve la représentation d’un “menu prasad à étages décroissants”.

“Selon une tradition recueillie par M. Trân-quan-Tuân[3], ancien huyêh de l’Inspection de Sôc-trang, cette sculpture aurait été apportée de Ceylan, au retour d’une ambassade envoyés en ce pays en 1431 A.D. par un roi khmer nommé Brah Rem. Le navire qui la portait ainsi qu’un gong et les deux statues de Sambau Dhlay (Sampouv Thleay)... aurait fait naufrage dans la région à une époque où, dit-on, la mer venait jusqu’au Giông de Phu-Nô. Recueillies avec quelques passagers et une partie de la cargaison, ces sculptures auraient été saisies par les Siamois lors d’une incursion sur les côtes méridionales du Cambodge en 1522. Ceux-ci ayant résolu de les emporter, elles furent miraculeusement sauvées par une harde d’éléphants surgie de la forêt... ”

Cependant, selon une autre tradition“rapportée par Son Diep,
ancien ministre cambodgien, la sculpture aux quatre visages aurait été érigée par un roi d’Angkor, Pudum Surivan (Botom Sorivong) qui, séduit par le site du Giông récemment surgi de la mer, y aurait fait construire le wat (p. 152).

Au Cambodge, ce même type de “Prasad” avec le Bouddha à quatre faces “est assez répandu et quelques sculptures de ce genre, de dimensions plus considérables, ont été étudiées par Louis Finot”. Tandis que le nom de “Sampouv Thleay” (jonque brisée) se trouva sous la même désignation au "Phnom Kulên", associée à la tradition d’un naufrage, les toponymes “Kbal Sampouv et Kansai Sampouv ” se retrouvent au Giông-da, dans le Transbassac (Notes 2 et 3 p. 152).

Prés du Wat Preah Buon Mukh, on rencontre un “Neak Ta Sampouv Thleay” avec un pagodon en briques et quelques sculptures.

On y trouve au nord-est de Sampouv Thleay deux bassins rectangulaires “Srah Srei et Srah Pros” (le bassin des femmes et le bassin des hommes). On découvrit dans l’un, un fragment correspondant au bas du visage d’une statue masculine et une “pesani portée par socle plein”. Ces deux bassins et les deux statues sont associés à une tradition locale un peu semblable à celle de “Phnom Srei et Phnom Pros” contée près de Kompong-Cham.

“L’un, de grand diamètre, appelé Srah Sri, passe pour avoir été creusé par des femmes et se trouve devant le temple de la statue féminine. L’autre, beaucoup plus petit et de nos jours entièrement comblé, appelé Srah Prus, aurait été creusé par les hommes et s’étendait devant le temple de la statue masculine. Le creusement de ces deux bassins, situés de part et d’autre de la route de Kê-Sach à Sroc-Trang, serait le résultat d’un défi lancé par les jeunes filles aux jeunes gens, à propos d’anciens usages se rapportant à l’initiative de la demande en mariage. Cette légende tend à consacrer le principe d’une suprématie féminine et se rattache à d’autres survivances pro-cochinchine et au Cambodge”. (L. Malleret, “Traditions légendaires des Cambodgiens de Cochinchine”. in BIIEH,1931, IV, fasc. 1-2, p. 169-180, “Archéologie... ” p. 154).

au Wat “Bamn Samret”, monastère situé sur la route de Sôc-trang à Cantho, dans une “sala” a été rassemblée une importante collection d’objets anciens en bronze, terre cuite, faïence, porcelaine et poteries khmères.

De cet endroit, (“Archéologie... ” p. 155), provient un vase en forme d’un éléphant remis au musée de Saïgon en 1933 par M. Lâm Em, alors délégué administratif du chef-lieu de Sôc-trang (BÉFEO, XXXIII, p. 1106).

Comme nous l’avons déjà dit, la présence, sous l’occupation française, de ce délégué administratif cambodgien, prouve bien la reconnaissance par les autorités du protectorat de la souveraineté khmère sur la Cochinchine.

A l’étage de la Sala du Wat “Bamn Samret” (Peang Samret) se trouve “une grande jarre dont la partie supérieure jusqu'à l’orifice est en bronze, sur une panse en terre cuite”. Cet objet aurait donné son nom “Peang Samret” - la jarre de bronze au monastère.

Malleret rapporte la tradition suivante (“Archéologie... ”, p. 156. monographie manuscrite de la province de Sôc-trang”, p. 42-43 - Son Diêp, “Légendes du pays de Bassac, Cochinchine par Son Diêp, dans compte rendu du premier congrès international des Études d’Extrême-Orient, Hanoï, 1903, p. 81):
“Selon une tradition locale, un roi d’Angkor aurait fait ériger dans quatre provinces importantes: Bati, Baray, Baphnom et Bassac, une statue de Bouddha. Celle de Bassac s’élevait, dit-on, sur le giông de Phu-nô, dans la région où se trouve maintenant le Wat Bamn Samret. Ces images auraient été enlevées par les Siamois, après la prise de Lovêk en 1593 A.D., et ils les auraient transportées à Ayuthia. En même temps, les envahisseurs s’emparèrent d’une grande statue qui se dressait, affirme-t-on, sur le giông situé au sud du vieux Bai-Xau, ainsi que deux idoles dites Brah Kêv et Brah Go. La première représentait Brah Ind (Indra) et elle était en verre. La seconde était l’image d’un énorme bœuf qui renfermait dans son ventre “les livres sacrés ainsi que des indications écrites concernant l’emplacement exact où se trouvaient les trésors cachés dans les diverses parties du Royaume khmer. Trente-six jarres remplis d’objets d’or et d’argent échappèrent au pillage des Siamois. Elles seraient enfouies, ajoute la tradition, sous un grand banian du giông de Sôc-trang, aux environs de Tai-sum, à 6 kilomètres du chef-lieu, sur la route de Bac-liêu. Le fragment conservé dans la pagode appartiendrait à l’une d’elles”.

D’après Malleret, les sculptures de la région de Sôc-trang se présentent comme un ensemble assez homogène, avec des caractères stylistiques qui permettent de les apparenter à peu près toutes, à la statuaire khmère du XIè siècle. Une seule idole préangkorienne a été rencontrée. L’art d’Angkor, ajoute-t-il, est par contre abondamment représenté et il semble, “à première vue, que le territoire de Sôc-trang ait entretenu aux XIè et XIIè siècles des relations étroites avec la capitale, exprimées dans des formules lapidaires clairement définies”.
Ces monuments, expression de l’art khmer des XIè et XIIè siècles, seraient l'œuvres de “Botum Sorivong ” qui pourrait être Suryavarman Ier.

e) Le Thap Tra-long

“Bac-lieu et Cà-mau ne sont pas des créations absolument neuves, comme on a tendance à le croire. Le premier est l’ancien Bo Lyev ( Pô-lieu), le second le vieux Dik Khmau (Tuk Khmau) des Cambodgiens. Si le premier n’enferme guère que l’évocation d’un “ banian sacré ”, le second indique des “eaux noires”, toponyme en rapport avec un fait géographique assez fréquent dans cette partie du Delta. Il résulte de décompositions végétales au contact de phénomène de stagnation, propres à des régions sans écoulement, sur des territoires auxquels l’onomastique viêtnamienne applique le terme U-Minh”.

“Un vieux prasadd khmer en brique” y fut également trouvé par Malleret.


f) La pointe de Cà-mau

Dans cette partie, Malleret nous a donné une explication détaillée sur la formation géographique de la pointe de Cà-mau.

Quant à l’origine, elle pourrait remonter à l’époque de Soryavarman II (Preah Botum Soryavong).

M. Chhum Chhiet (“La Dépêche du Cambodge ”, 19 décembre 1962), s’appuyant sur les manuscrits du vénérable Thach Pang, explique comme suit la création des quatre citadelles (1º Péam, 2º embouchure du Tonlé Bassac, 3º embouchure du Mékong, 4º Proum Borey, dans l’actuel Baria à l’embouchure du Donnai, actuellement O Kap ou Kap Sésac) et l’installation des Cambodgiens à la pointe de Ca-mau:
“ Le roi Soryavarman II recommanda à Ponhea Decho d’aller dans le Srôc Bassac avec mission de contrôler les côtes des mers du Sud.

Decho réunit les habitants à la pointe de Ca-Mau, à l’endroit où un prince khmer et une princesse laotienne avaient fondé leur capitale. Il donna le nom de “ Chrouy khmer ” (pointe de Khmers) à cette région.

Ce mot chrouy khmer est devenu “Chrong khmer.”

Cette tradition semble exacte puisque les premiers Européens Portugais et Hollandais désignèrent cette pointe dans leurs cartes sous le mon “Pointe de Camboia” ou Pointe du Cambodge que l’on peut traduire textuellement par “Chrouy Khmer”.


VIII.
LA PLAINE DES OISEAUX


Dans cette plaine qui s’étend sur les provinces de Bac-liêu et de Rach-gia, on trouve les sites ci-après:

Le site de Thnal Mrayou des Cent Rues

Les Cambodgiens, selon Malleret, “y indiquaient une sorte de site urbain, avec des chaussées ou des digues qui justifiaient le nom de Thnal Mray (rues cent) attribué à la région. Les Cambodgiens furent obligés de s’enfuir de cette région en 1926-1927, à la suite de la révolte de “Chu Choc”.

On y trouve des pièces archéologiques et des poteries avec décors caractéristiques semblables à celles trouvées à Oc-èo.


IX.
L’ARCHIPEL DE POULO-CONDORE


Les Cambodgiens l'appellent Koh Tralach.

“L’ensemble, (“Archéologie... ” p. 172), signifie les îles de la Courge et les Cambodgiens emploient une expression de même sens, en désignant l’archipel par le nom de Koh Tralach ”.

Les Malais l’appellent Poulo-Condore, Marco Polo, Sondur et Condur, les Arabes du IXe ou XIe siècle, Cundur-fùlàt.

Selon G. Ferrand, Cundur-Fùlàt (on prononce çundur) relève de la toponymie persane (fùl, forme arabilisée du malais pùlau signifiant île et du suffixe pluriel persan àt, Cundur = courge).

Les Chinois l’appellent de nos jours “K’ouen-louen” dont les viêtnamiens, par corruption phonétique ont fait “Côn-nôn” (La Grande).

Il s’y trouve deux ruisseaux qui, appelés par les indigènes “rivière du Cambodge” et “rivière Thamin”, assurent l’écoulement des eaux qui ont tendance à s’accumuler en arrière du rivage, avec les fortes pluies de la mousson de suroît.

L’archipel fut occupé par la France en 1861 (le lieutenant de vaisseau Lespès en pris possession avec l’aviso Norzaragay).

En 1872, la population de la grande île était évaluée à 200 âmes, réparties en quatre hameaux, subsistant de ressources à peine suffisantes.

D’après la “Notice sur l’île de Poulo-Condore” (Bulletin de la Société des Études Coloniales et Maritimes, le Havre, 1878, p. 79-81) ”les quatre hameaux étaient le village du Cambodge,
le village chinois, celui des laboureurs et celui de Go-hong" (“Archéologie..." p. 175).

Ces textes attestent la présence des Khmers, de longues date, dans l’archipel de Poulo-Condore qui était sou l’occupation française “un lieu de déportation”.

Du résultat de ces recherches, Malleret conclut “que le Trans-
bassac a présenté une remarque continuité de peuplement, depuis les âges préhistoriques jusqu’aux temps modernes, l’on ne trouve plus que des traces des anciens temples khmers, la plupart en briques et qui de ce fait ont fourni des matériaux pour des constructions nouvelles”. (“Archéologie ... ” p. 179).

Malleret distingue “quatre principaux types de culture correspondant à quatre époques de l’évolution historique du Bas-Cambodge:

1º époque néolithique préfounanaise

2º période de prospérité économique

3º époque des sculptures préangkoriennes, du VIe au VIIIe siècle;

4º art angkorien représenté surtout dans l’est et aux abordes du Fleuve, aux XIe et XIIe siècles.
“L'outillage lithique des grottes, la poterie primitive associée à des amoncellements de coquilles, les affinités de quelques-uns de ces témoins avec l’art de Culao Hua Samrong Sèn, indiquent une période néolithique que l’on pourrait qualifier de préfounanaise. Les sites de la plaine correspondant à des agglomérations humaines, de nos jours enfouies sous les alluvions et généralement reliées entre elles par un système d’anciens canaux, semblent révéler ensuite, une période de prospérité agricole et de richesse économique attestée par des objets de grande valeur intrinsèque, tel que des bijoux d’or ou des gemmes. Cette culture entretient des rapports étroits avec les civilisations de l’Inde. Elle doit être rapprochée des mouvements de la colonisation indienne qui s’inscrivent dans l’histoire de l’ancien Fou-Nan. En troisième lieu, apparaissent des sculptures qualifiées de préangkoriennes, dont quelques-unes sont peut-être founanaises et qui peuvent s’échelonner du VIe au VIIIe siècles. Elles sont réparties principalement au pied des hauteurs, comme si le besoin s’était fait sentir à une certaine époque, de rechercher des terrains consolidés pour y asseoir des temples, s’affranchir des dangers de l’inondation ou simplement associer les montagnes aux cultes hindouistes. Enfin, l’art angkorien est représenté surtout dans l’Est et aux abords du Fleuve avec une prépondérance nettement localisée, en faveur de la statuaire des XIè et XIIè siècle.”

L’histoire du Bas-Cambodge restituée par les travaux d’un éminent archéologue corroborent donc, sans équivoque, la légende et la tradition qui veulent que cette région soit terre Cambodgienne depuis les temps les plus reculés./.
[1] Cité au paragraphe “Régime applicable aux Khmer krom, sous l’occupation française”.
[2] D'après le vénérable Thach Pang "Wat Buon Preah Pheak".
[3] Le vénérable Thach Pang a rapporté, de son côté, celle qui fait l'objet d'une précédente rubrique.

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